Robert Vicot  : « Je suis l'initiateur de l'échauffement collectif »

Lorsque Robert Vicot débarque au Paris Saint Germain pour prendre en main l'équipe junior en 1971, le club n'existe que depuis une saison. Véritable formateur, Vicot trouvera, au fil des ans, à la façon de Guy Roux à Auxerre, la méthode coué qui permettra au club de se relever de la scission de 72. Une main de fer dans un gant de velours, tel était le système Vicot qui a fait ses preuves dans tous les clubs où il est passé.

 

PSG70 : Robert Vicot, pouvez-vous nous expliquer la façon dont vous êtes arrivés au Paris Saint Germain en 1971 ?

Robert Vicot : "J'étais entraîneur-joueur à Châteauroux entre 1967 et 1970. Nous sommes montés en National depuis le championnat de France amateur. Ensuite je suis parti au Cercle Sainte-Marthe à Marseille, c'est l'équipe de l'usine à Pastis Ricard. J'étais là aussi entraîneur joueur, mais je ne suis resté qu'une saison car le PSG d'Henri Patrelle qui existait depuis une saison voulait monter un grand club à Paris. Monsieur Patrelle voulait que je vienne entraîner les juniors puisque Pierre Phelipon entraînait l'équipe première. Je suis venu, mais en fin de saison suivante, le contrat de Phelipon prenait fin. Il devait aller à Bordeaux et moi le remplacer à la tête du PSG, mais je voulais qu'il reste avec le groupe, j'étais même prêt à partir à sa place à Bordeaux pour qu'il reste au PSG. Bordeaux était même d'accord mais Patrelle n'a pas voulu. J'ai donc pris la succession de Phelipon au PSG, mais en Division 3. Nous sommes repartis après la scission avec l'équipe de Saint-Germain et le PSG de Division 1 s'est transformé en Paris FC-Racing. Nous sommes montés en division 2 dès la saison suivante. C'est là que monsieur Hechter qui voulait monter un grand club à Paris est arrivé. Il est venu se renseigner auprès de Patrelle un soir de finale de la Coupe de Paris que nous avons gagné en 1972/73. Je suis resté au PSG de 1971 à 1975".

Robert Vicot, Just Fontaine et le président Daniel Hechter

PSG70 : Comment avez-vous vécu la scission du club en 1972 ?

R.V : "Moi je retrouvais la Division 3, mais ça ne me dérangeait pas. J'étais en début de carrière professionnelle et bien encadré par Monsieur Crescent notamment qui était patron de Calberson. D'ailleurs, tant que j'en ai l'occasion, je profite de votre appel pour dire que je suis l'initiateur de l'échauffement collectif qui est aujourd'hui appliqué par toutes les équipes. Cela a été passé sous silence, mais c'est bien moi. J'avais commencé à tester cela au Lavandou puis à Châteauroux et je l'ai appliqué de manière définitive lorsque je suis arrivé au PSG. A l'époque on se moquait de nous au Parc des Princes. Il y avait même des sifflets, les gens disaient que les footballeurs n'étaient pas des danseuses. J'ai d'ailleurs ici un article du journal l'Equipe écrit à l'époque par Jacques Etienne « Robert Vicot qui vit lui tous les joueurs, dirige ce qui fait sourire les spectateurs et qui permet aux joueurs d'être en excellente condition physique ». C'est comme le sigle, l'écusson du PSG. C'est Daniel Hechter qui a inventé et dessiné le maillot et le sigle mais au départ, seulement la tour Eiffel était prévue sur l'écusson. Cela posait problème car nous cherchions un écusson qui symbolisait aussi la ville de Saint-Germain. Et l'idée est venue d'un dirigeant amateur, monsieur Vallot qui était dessinateur de métier et qui a décidé de placer le berceau de Louis XIV entre les jambes de la tour Eiffel. Monsieur Crescent a dit que c'était une bonne idée et qu'il allait la soumettre à Monsieur Hechter."

 

PSG70 : Avec le recul, quel est votre meilleur souvenir au PSG ?

R.V : "Je retiens surtout la montée en Division 1 et le match contre Valenciennes. C'était une grande fête, c'est la que Justo est tombé par terre avec l'émotion. C'était un aboutissement d'un travail de 3 ans, quelque chose de formidable. Mais je retiens surtout l'ambiance générale de camaraderie entre les joueurs et le staff. Les Laposte, Prost, André, Dossevi, Marella, Choquier étaient tous de très bons joueurs amateurs qui s'entendaient parfaitement ensemble. Tous les dimanches soirs, tout le monde se réunissait et on mangeait ensemble dans une petite auberge à Saint-Germain avec les femmes. Quelque chose que je retiendrai aussi, c'est la fête du club. C'est quelque chose qui ne se fait plus du tout, dans aucun club, qui a totalement disparu. Ça a été lancé par le président Patrelle. Tout le monde amenait son panier de repas froid. On dressait une grande table au Camp des Loges, devant les vestiaires et on organisait un grand tournoi avec plusieurs équipes composées à chaque fois d'un joueur professionnel, d'un joueur de la réserve, d'un junior, d'un cadet, d'un minime, d'un poussin…Chaque professionnel était responsable de son équipe. Il y avait l'équipe Djorkaeff, l'équipe Dogliani, l'équipe M'Pelé… On commençait le matin, on mangeait sur place le midi et on terminait le soir. Tout le monde était récompensé. Pour les gamins, c'était un souvenir indélébile, mais ça n'existe plus ça aujourd'hui, et c'est bien dommage".

 

PSG70 : Vous êtes montés à 5 reprises. Deux fois avec le PSG (D3-D2 en 1972/73 puis D2-D1 en 1973/74), puis avec le Paris FC (D2-D1 en 1977), Rouen (D2-D1 en 1981/82) et déjà même avec le SO Lavandou (PH-DH de la Ligue Sud-Est). Avez-vous une recette miracle pour monter ?

R.V : "Il n'y a pas de recette miracle, c'est le comportement des joueurs, et le fait de savoir leur inculquer un tempérament de combattant, de ne jamais se décourager. Je suis arrivé au PSG avec les juniors et nous sommes allés directement en demi-finale de la Coupe Gambardella. Je crois que mes méthodes étaient appréciées, car un jour, les pros ont demandés à faire une séance supplémentaire avec moi, l'entraîneur des juniors une après-midi. J'étais proche les joueurs. Lorsque les joueurs ont des problèmes de famille, des problèmes sentimentaux, c'est l'entraîneur qui le vit. Je ne pouvais pas raconter aux journalistes les problèmes que connaissaient les joueurs. L'entraîneur est le chef de l'équipe, ce ne sont pas les dirigeants. L'année ou je suis monté avec Rouen, il n'y avais pas une star dans l'équipe. Seuls les Benssoussan et Beltramini étaient des joueurs que j'avais connu au PSG et qui m'ont suivis. Les autres n'ont pas percés par la suite. Pourtant, nous sommes monté, avec un état d'esprit de camaraderie, d'enthousiasme mais de discipline. C'était une grande famille. Durant toute ma carrière je n'ai jamais manqué un entraînement. J'étais, tous les jours ponctuel. J'ai même une anecdote, c'était avec Rouen. J'avais installé un tableau dans le couloir des vestiaires sur lequel j'inscrivais le programme des entraînements. Je me souviens qu'avant un match contre Bordeaux, les joueurs adverses étaient surpris de voir que les horaires et le programme des entraîneurs à venir pour la semaine suivante étaient déjà planifiés sur le tableau. C'est comme pour les ballons. On se moque souvent de Guy Roux, mais moi, lorsque je suis arrivé à Rouen, il y avait 4 ballons dans le dispensaire. Lorsque je suis parti, il y en avait 30. Chaque joueur avait son ballon personnel avec son numéro dessus. Et ils ne rentraient pas aux vestiaires à la fin de l'entraînement s'il en manquait un. En fin de saison, lorsqu'on recevait les nouveaux ballons Adidas, les anciens allaient pour l'équipe réserve. On a rien sans rien. En tant qu'entraîneur, je ne me mêlais jamais du coté financier des joueurs, ce n'était pas mon problème. C'est ma grande fierté, ma joie, c'est d'avoir laissé un bon souvenir au club. J'étais un meneur d'homme, j'en suis persuadé, avec une certaine discipline. Les joueurs m'appelaient coach ou Monsieur Vicot mais jamais Robert. Je savais me montrer très sévère et dire mes 4 vérités. Mais c'est peut être mon tempérament et ma grande gueule qui m'ont fait défaut vers la fin. J'ai eu aussi la chance d'avoir un président qui m'a laissé travaillé. Lorsque je vois à Nantes que Denoueix est super héros le 3 juin et que le 2 juillet c'est une carne, je dis non. Il faut laisser travailler l'entraîneur en profondeur. Dans une saison, il y a toujours des difficultés, des blessés, des malades, de la malchance. Il y a des saisons loupées. Mais il faut savoir faire confiance à l'entraîneur. Le tout c'est de fixer un objectif au débout et de s'y tenir."

Robert Vicot et Jean-Louis Leonetti portent André Travetto, blessé à l'entraînement

PSG70 : Oui, donc justement, en 1973, Daniel Hechter arrive au club avec Just Fontaine. Vous êtes alors tous deux à la tête de l'équipe première. Quels souvenirs gardez vous de cette cohabitation ?

R.V : "Vers la fin oui, nous avons été en désaccord avec Justo. Lui il vivait à Toulouse et n'était pas toujours là aux entraînements, mais c'est lui qui faisait l'équipe. Je ne conteste pas sa connaissance du football, mais ce n'était pas un formateur, il n'était pas au quotidien sur le terrain comme moi je l'étais avec les joueurs. Nous nous sommes séparés, mais nous sommes restés en bon terme. D'ailleurs, il m'a toujours envoyé une carte de félicitation que j'ai encore d'ailleurs a chacune de mes montés avec Rouen et le Paris FC par le suite. J'ai donc quitté le club en 1975. Je me souviens que lorsque je suis parti, nous étions 4ème . Et le club a terminé finalement 14ème . Et pendant deux matches, le parc chantait "Vicot Vicot" !"

Robert Vicot, Daniel Hechter et Just Fontaine sur le banc de touche

PSG70 : Vous avez débuté au PSG en jouant au Camp des Loges devant une centaine de personne pour le quitter quelques années plus tard, au Parc des Princes devant plusieurs milliers de supporters. Comment avez-vous vécu cette évolution ?

R.V : "C'était formidable. Si vous parlez de ça aux commerçants de Saint-Germain, aux vieux de la vielle, ils vous diront tous que c'était une époque formidable. Le président Patrelle était un dirigeant unique. Tous les gens du club vous le diront. Djorkaeff Rostagni, Phelipon, Destrumelle. C'était un véritable père de famille".

 

PSG70 : Que pensez-vous de l'évolution du foot actuel ?

R.V : "Tant mieux pour eux, s'ils gagnent des centaines de millions. J'ai joué 8 ans à Toulon, j'ai connu deux montées, une finale de Coupe Drago, l'équivalant aujourd'hui de la Coupe de la Ligue dont j'ai d'ailleurs toujours la médaille. J'ai aussi joué une demi finale de Coupe de France contre Lyon, au Vélodrome. Vous savez combien j'ai gagné pour cette demi finale ? 50 francs…Aujourd'hui, un joueur qui fait la même carrière que moi, il peut se payer 25 villas. Moi j'en ai qu'une et elle est toute petite en plus (rires) Mais je n'échangerai pour rien au monde notre époque avec la leur. J'ai vécu des choses qui n'existent plus dans le football d'aujourd'hui. Je me souviens qu'après l'entraînement, nous jouions encore entre nous au tennis ballon puis on mangeait chez l'un ou chez l'autre avec les femmes, n'importe quoi, un œuf sur le plat …Aujourd'hui, ils vont au resto (rires)."

PSG70 : Suivez-vous toujours l'actualité du PSG ? Que pensez vous de la situation dans laquelle est le club depuis quelques années ?

R.V : "Je suis peiné par ce qui s'est passé cette saison avec les supporters. D'ailleurs j'ai même téléphoné à Monte Carlo (RMC) pour leur dire ma déception. C'est dommage. Je garde de bons souvenirs des supporters du PSG. Je me souviens qu'ils venaient faire le footing avec nous dans la forêt de Saint Germain. Bons, ils n'étaient pas avec le groupe mais ils faisaient le même parcours, 20 mètres derrière. Nous avions besoins d'eux. On sortait du stade sans crainte, on discutait avec eux sans problèmes. Tout se passait dans le respect. Aujourd'hui, lorsque je vois qu'ils se battent, qu'ils leurs crache dessus, je suis peiné."

 

PSG70 : Robert Vicot, qu'avez-vous fait depuis votre fin de carrière ?

R.V : "J'ai été limogé de Rouen en 1986 sans aucun sou car le club était en liquidation judiciaire. Je suis resté 7 mois sans salaire, ça a été des moments difficiles. J'ai ensuite entraîné l'équipe de Béziers de juin à novembre 1986 mais là encore, le club s'est retrouvé en liquidation judiciaire (rires). J'ai donc décidé de tout arrêter. J'allais voir les entraînements du PSG pour me changer les idées. A l'époque, c'était Gérard Houllier l'entraîneur. Un jour, il m'a demandé de lui rendre un service, celui d'aller superviser l'équipe de Montpellier pour un match. J'y suis allé et je suis tombé sur Nicollin qui m'a demandé ce que je devenais. Lorsque je lui ai dis que je venais le superviser pour le compte du PSG, il a ri et m'a proposer de devenir superviseur pour Montpellier, de lui filer un coup de main quoi. J'ai accepté pour une saison. J'ai notamment supervisé l'équipe de Benfica. Mais j'ai décidé d'arrêter, j'ai transmis mon poste à Jean-Pierre Dogliani qui était tout content. Il recrutait les jeunes pour Montpellier. C'est d'ailleurs moi qui lui ai conseillé le petit Carotti que j'avais repéré à Versailles. C'est moi qui l'ai fait venir à Montpellier. J'ai ensuite été vendeur chez BHV quelques temps avant de prendre ma retraite. J'ai quand même mon certificat et un diplôme d'Etat de troisième degré d'entraîneur éducateur. Je suis aujourd'hui retraité en Corse, à l'Ile Rousse."

 

Propos recueillis et retranscrits par Maxime Pousset pour PSG70. Merci à Robert Vicot pour sa franchise, sa gentillesse, sa bonne humeur et sa disponibilité, ainsi qu'à Mathias pour la mise en relation.

 

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