Michel Prost : « En 1970, nous étions les «  parigos têtes de veaux  » »

 

Michel Prost pourrait être considéré comme la première star de l'histoire du Paris Saint Germain. Fort de 22 buts inscrits en deux saisons entre 1970 et 1972, cet attaquant élégant, rapide et combatif issu du Stade Sangermanois formait avec son compère Jean-Claude Bras un duo très apprécié des supporters. Aujourd'hui secrétaire syndical chez PSA Poissy, il accepte de répondre à nos questions et se livre sans retenue. Entretien…

 

PSG70 -. Michel Prost bonjour et merci de répondre à nos questions. Vous avez marqué l'histoire du PSG en devenant le premier véritable buteur du club. Mais comment êtes vous arrivé au Paris Saint Germain ?

Michel Prost : « À 16 ans, je jouais en équipe de France cadet de tennis, j'étais également international de rugby, j'ai même déjà joué à Twickenham et puis je jouais au foot en corpo avec le PUC. J'avais un week-end très chargé. Le samedi c'était le foot, le dimanche matin le tennis et l'après-midi le rugby. En 1966, Roger Quenolle m'a demandé de venir jouer au Stade Sangermanois. Deux ans plus tard, en 1968, je suis parti à l'armée au bataillon de Joinville ou j'ai rencontré des joueurs comme Floch et Rostagni. Puis, je suis revenu au Stade Sangermanois qui est devenu le PSG en 1970. »

PSG70 -. Quels sont vos meilleurs souvenirs avec le Paris Saint Germain ?

M.P : « La monté en D1 a Rouen (NDLR : le 15 mai 1971, victoire 3-1 lors de l'avant dernière journée de championnat national ). Ca c'est pour ce qui est du meilleur souvenir sportif. Après j'ai aussi de bons souvenirs humains comme ce match à Angoulême ( saison 71/72 ). Notre entraîneur Pierre Phelipon était copain d'enfance avec Yvon Goujon l'entraîneur d'Angoulême. Depuis le début de l'année, Phelipon nous parlait presque plus de ce match contre son ami que du reste de la saison ! Il voulait absolument le gagner. Le jour du match, j'étais capitaine, et, avec Bernard Guignedoux, Jean-Claude Bras et quelques autres on a pris la décision d'écrire un petit mot pour Phelipon «  nous t'offrons cette victoire  ». J'avais caché le papier dans mon short, j'ai joué avec et je suis allé en courant lui tendre à la fin match. Très ému, il s'était mis à pleurer. J'ai vécu un autre grand moment, bien qu'il ne soit pas dans le domaine sportif lors d'un match contre Angoulême encore ( rires ). La veille du match ( on devait rejoindre Angoulême le lendemain matin en train ) ma femme qui était a un point très avancé de sa grossesse à accouché de mon fils Nicolas. J'ai du l'emmené a la clinique, je n'ai pas dormi de la nuit et j'ai prévenu le président Guy Crescent que je ne pourrais pas être présent au rendez-vous, à 6h du matin. Celui ci m'a dit de rester près de ma femme et de mon fils, et qu'il m'enverrait un chauffeur quelques heures avant le match. Quand je suis arrivé au match, les supporters, au lieu de chanter «  PSG, PSG  » chantaient «  Nicolas, Nicolas  ». J'étais très ému. Bon, on a perdu le match ( NDLR : 3-1 ), mais j'étais heureux, je courrais un peu partout ( rires ). C'est un grand souvenir. Le bouche a oreille s'est fait très vite… 

PSG70 -. En 1970, quand le PSG débute en National (ex D2), l'équipe, montée de la fusion entre le Stade Sangermanois et l'association Paris FC a t-elle senti de l'animosité de la part des joueurs et supporters adverses ?

M.P : « Non, pas particulièrement. Bon, bien sur nous étions toujours les «  parigos têtes de veaux  » mais il n'y avait pas d'animosité particulière. Nous avions un peu un coté Lyon d'aujourd'hui, a savoir l'équipe à battre. En plus les résultats allaient avec puisque nous avons terminés premier. Mais je me souviens d'un match à Blois où nous gagnons 5-2 et où le public blésois nous a applaudi et acclamé en fin de rencontre, car nous avions été meilleurs. »

 

PSG70 -. Et la presse ? Comment a-t-elle accueilli cette création d'un club parisien ?

M.P : « C'était beaucoup moins médiatisé qu'aujourd'hui. La pression existait mais elle était moindre. Le gros travail des dirigeants de l'époque était d'investir les joueurs parisiens de missions auprès des supporters. Nous faisions des réunions, nous allions boire un coup avec les supporters, nous faisions les déplacements avec eux. C'est nous qui allions au devant d'eux. Il n'y avait pas de violence, pas de fric, pas de médias… »

PSG70 -. Sentiez vous un réel engouement du public parisien, alors privés de foot de haut niveau depuis pas mal d'années

M.P : « Je sortais d'un club amateur, c'était donc une sorte de rêve, même si le mot est fort d'évoluer parmi l'élite. Bien sur nous n'avions pas la moyenne de spectateurs d'aujourd'hui mais il y avait de l'enthousiasme. Guy Créscent visait avant tout la qualité et la valeur mentale du joueur. Nous n'étions pas les meilleurs, loin de là, mais nous nous défendions pas mal. Je me souviens d'un match de Coupe de France contre Bastia avec le Paris FC en 1973 ( NDLR : après la scission entre le PSG et le PFC intervenant fin 1972 ). Bastia était le dernier finaliste de la Coupe de France. Il partait largement favori. Nous sommes menés 2-0 après 15 minutes de jeu. Nous réduisons miraculeusement le score contre le cours du jeu. Puis, je me blesse, je sens une contracture. Je décide alors de me diriger vers le banc pour sortir du terrain mais Jean Djorkaeff me voit démarqué et m'envoi le ballon. Ma contracture disparaît subitement devant le champ ouvert que j'avais ( rires ), et je vais inscrire le but du 2-2. En fin de match, sur un accrochage je tombe dans la surface. Aujourd'hui ça ferait carton jaune, là ça a fait penalty (rires ). Djorkaeff se retrouve devant Pantelic le gardien bastiais, une grande figure à l'époque. Il loupe complètement sa frappe mais marque quand même, entre les jambes du gardien qui ne s'y attendait probablement pas. Nous gagnons 3-2… »

 

« Beckenbauer allait plus vite que moi avec la balle au pied »

 

PSG70 -. En 72/73 justement, le club est scindé en deux. Vous repartez avec le Paris FC en première division ( le PSG prendra la place de son ancienne réserve en D3 ) alors que vous étiez Sangermanois d'origine. L'avez-vous choisi ou vous l'a-t-on imposé ?

M.P : « Non, vous savez, ce n'était plus le même staff, plus les mêmes dirigeants, ni les mêmes joueurs. On s'attache plus aux hommes qu'a la ville. »

PSG70 -. Vous ne restez qu'une saison au Paris FC avant de partir pour Nancy

M.P : « Oui, à la fin de la saison 1972/73, il y avait 21 professionnels dans le groupe du Paris FC. Les dirigeants avaient fait trois groupes. Le premier était composé de 7 joueurs qu'ils voulaient absolument garder, le second groupe comprenait 7 joueurs dont ils voulaient se séparer et le dernier groupe dont je faisais partie, était le groupe des indécis. On nous avait dit «  On verra  ». J'ai été vexé et j'ai cherché à partir. J'ai vite été contacté par Nancy. »

PSG70 -. De tous les joueurs, dirigeants ou entraîneur que vous avez côtoyez, au PSG ou ailleurs, lesquels vous ont le plus marqué, que ce soit techniquement ou humainement.

M.P : « Plusieurs joueurs m'ont marqué techniquement. A Bastia, j'ai connu Dragan Djazic , un international yougoslave qui faisait ce qu'il voulait avec son pied gauche. C'était un peu le Juninho ou Platini de l'époque. Je l'ai même déjà vu faire un amorti aile de pigeon sur un dégagement du gardien puis un centre instantané, le tout sans faire tomber le ballon au sol ! Sinon, le sochalien Laslo Sélès ( lui aussi yougoslave) m'a beaucoup embeté quand je jouais contre lui. Marius Tresor aussi. Franz Beckenbauer m'a lui aussi beaucoup impressionné. Il allait plus vite que moi dont on disait que j'allais déjà vite mais avec la balle au pied ( rires ) ! Humainement, j'ai eu de très bons amis mais la vie a fait que nous avons pris des chemins différents. Bernard Guignedoux ou Jean-Claude Bras ont été de ceux là, George Eo aussi que j'ai connu à l'armée, ou Gérard Gili. »

 

PSG70 -. Vous arrêté votre carrière sur une blessure en 1977. Quel a été alors votre parcours ?

M.P : « Oui, j'étais à Bastia, c'était en septembre ou octobre 1976. J'ai ressenti une douleur aux adducteurs. Je suis allé voir le médecin qui m'annonça que j'avais une coxatrose à la hanche et que je ne pouvais plus fournir d'efforts physiques, que le foot, pour moi, c'était fini. Je suis donc parti au Red Star en tant que semi professionnel durant deux ans. Nous avons raté de peu la montée contre toute attente face à Laval. J'ai finalement raccroché les crampons en 1977. Roger Quenolle, qui avait été mon entraîneur au Stade Sangermanois m'a proposé de devenir directeur sportif de l'AS Poissy, tout récemment promu en D2 et dont il était l'entraîneur. J'ai accepté mais à condition d'avoir autre chose a côté, car je ne voulais pas rester exclusivement dans le milieu du foot. L'AS Poissy était à l'époque subventionné par Chrysler France, devenu ensuite Simca, puis Peugeot et aujourd'hui PSA. J'étais donc directeur sportif de l'AS Poissy et j'avais un contrat de directeur adjoint du comité d'entreprise. J'ai ensuite été secrétaire du comité d'entreprise durant 3 ans et syndicat CSL devenu FO. Je suis aujourd'hui secrétaire du comité d'établissement et adjoint du syndicat FO. J'ai aussi une mission européenne dans la métallurgie. »

PSG70 -. Quel et le plus grand regret de votre carrière ? De n'avoir jamais été sélectionné en bleu peut-être ?

M.P : « J'étais un peu con. Vous savez, quand on est jeune on est un peu con ( rires ). J'avais fais les matches test pour l'équipe de France, j'étais en concurrence avec Bernard Lacombe qui a d'ailleurs fait une grande carrière internationale par la suite. Du fait que j'allais me marier, j'ai plus ou moins repoussé ces sélections. C'est un petit regret oui, car je n'ai aucune sélection en France A. Je regrette aussi de ne pas avoir gagné quelque chose. A part le championnat National et la Coupe de Paris a deux ou trois reprises, je n'ai rien gagné. Après, bien sur il y a aussi ma blessure. J'aurais aimé jouer 2, 3 voir 5 ans de plus. Je regrette aussi d'avoir été un peu cassé par cette blessure. »

 

PSG70 -. Pensez vous qu'il y ait la place pour un second club parisien en Ligue 1 aujourd'hui ?

M.P : « Pour moi oui, il n'y a aucune raison que la France ne soit pas à l'image de l'Italie de l'Angleterre ou de l'Espagne. En France, il y a un plus gros engouement pour le football depuis 1998. Mais encore faudrait-il qu'il y ait déjà un club qui marche bien à Paris avant de penser en avoir un deuxième... Je reste supporter du PSG, je vais parfois voir les matches, mes enfants sont supporters et vont régulièrement au Parc, mais aujourd'hui, il n'y a pas deux bons matches de suite, c'est désolant. »

 

PSG70 -. Aimeriez vous revenir un jour au PSG, dans l'encadrement ou autre ?

M.P : « Vous savez, j'ai aujourd'hui 60 ans, je suis bientôt en retraite, mais pourquoi pas éventuellement. Si on me le demandait, je réfléchirai. Sûrement pas en tant qu'entraîneur car je n'ai pas les diplômes requis mais plutôt dans le management, les ressources humanes, la gestion ou l'organisation. »

Propos recueillis et retranscrits par Maxime Pousset pour PSG70 et PlanetePSG.com. Merci à Michel Prost pour sa gentillesse et sa disponibilité.

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Michel Prost

Né le 23 Février 1946 à Charenton (94)

1.78m – 72kg – Attaquant international militaire et amateur

Parisien de 1970 à 1972, 74 matches, 22 buts

Clubs successifs  : Saint-Germain, PSG, Paris FC, Nancy, Bastia, Red Star

 

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