Pierre Phelipon : « A l'époque il y avait tout à faire »
C'est par lui que tout à commencer, par lui que le premier succès du club est venu. Pierre Phelipon est encore un jeune entraîneur lorsque la possibilité de diriger le tout nouveau Paris Saint Germain s'offre à lui. Déjà à la tête de l'ancêtre sangermanois, Phelipon poursuit après la fusion avec un groupe sensiblement amélioré par de nombreux éléments professionnels. A 72 ans, il est aujourd'hui retraité en région Champagne-Ardenne mais garde quelques attributions avec le monde du football.
PSG70 : Pierre Phelipon, vous avez été le premier entraîneur du PSG à gagner un titre. Quel a été le retentissement de ce titre de champion de deuxième division à l'époque ?
Pierre Phelipon : « Tout le monde était heureux, c'était le retour d'un club de Paris en première division. Depuis la fermeture du Parc des Princes (pour 23 mois entre 1970 et 1972), il n'y avait plus d'équipe de haut niveau dans la capitale. Nous jouions au Camp des Loges à Saint Germain ou au Stade Jean Bouin, à coté du Parc. L'objectif était d'ailleurs le maintien la première année, mais nous avons fait beaucoup mieux puisque nous sommes montés. On avait quelques internationaux amateurs dont deux de Saint-Germain, Guignedoux et Prost, mais aussi des professionnels, comme Djorkaeff et Destrumelle, deux grands joueurs que messieurs Créscent et Patrelle ont fait venir de l'Olympique de Marseille alors en première division. A l'époque, le championnat s'appelait « National » et était divisé en trois groupes. Nord, Ouest et Sud. Nous avons terminé premier du groupe nord et étions assurés de monter en division 1, avec les 2 autres premiers. Nous étions aussi qualifiés pour le mini championnat final entre les trois premiers de chaque groupe, et c'est là que nous avons gagné le titre. A l'époque, le football n'était pas médiatisé, il n'avait pas le même éclat mais on avait la volonté de monter quelque chose de grand à Paris ».
Le nouveau PSG et ses stars avec de gauche à droite : Bras, Mitoraj, Djorkaef, Destrumelle et Guignedoux
PSG70 : Vous avez été entraîneur joueur, comment cela se passait ?
P.P : « Non, j'ai été entraîneur joueur avant la fusion, c'était avec le Stade sangermanois lorsque nous sommes montés de division 3 à la division 2. Avec le PSG, je n'ai été entraîneur-joueur que pour un match amical contre Lyon. Nous avions perdu 4-3. (Il a aussi rechaussé les crampons pour dépanner lors de trois rencontres durant la saison 70/71 car la défense était décimée avec les blessures de Djorkaeff et Guicci). C'est monsieur Patrelle qui m'avait conseillé de prendre ce poste à double casquette. Au début je n'étais pas tellement content, je me disais qu'en tant qu'entraîneur joueur, si je faisais une erreur, j'aurai été mal placé pour critiquer les joueurs, mais monsieur Patrelle m'a convaincu que j'étais encore capable de jouer. C'est vrai que je pouvais encore le faire. J'étais arrivé à Saint-Germain depuis Angoulême où j'étais titulaire à 34 ans ».
PSG70 : Pensez-vous que cette double casquette soit encore possible dans un club de Ligue 1 aujourd'hui ?
P.P : « Non, aujourd'hui le football a évolué. Ca va plus vite, c'est plus difficile. Aujourd'hui, il y a beaucoup de jeunes dans les centres de formation qui travaillent beaucoup, parfois même plus que les pros. Jouer avec l'équipe première est donc pour eux une sorte de récompense. Alors s'ils se font prendre leur place par un vieux joueur de 35 ans, il y a de quoi se décourager ».
PSG70 : Vous avez connu la fusion permettant la création du Paris Saint Germain, quel était votre sentiment à l'époque ?
P.P : « En 70 on était content oui, ça s'est bien passé. Nous savions que ça allait donner un élan nouveau à la ville de Saint-Germain. L'association Paris FC n'avait aucune structure mais allait apporter pas mal d'argent. Nous nous entraînions au stade de Saint Germain, dans de très belles installations. Mais les joueurs professionnels, que ce soit Djorkaeff, Mitoraj, Destrumelle ou les autres avaient l'obligation d'habiter à Saint Germain même ».
PSG70 : A bon ? Et pourquoi une telle obligation ?
P.P : « Et bien les joueurs amateurs qui travaillaient la journée ne pouvaient pas s'entraîner le matin mais le soir. J'avais donc contraint les professionnels à venir s'entraîner le matin et le soir à 19 heures, pour souder le groupe. Les professionnels s'entraînaient donc deux fois par jour, mais sans jamais rechigner. Il y avait une excellente ambiance dans ce groupe ».
PSG70 : Et concernant la scission en 1972 ? Comment l'avez-vous vécu ?
P.P : « Oui, j'ai assisté à ça. Il y a eu une assemblée Générale à Paris, je ne sais plus trop ou. Il me semble que c'était à Calberson, dont Monsieur Crescent était le président directeur. Ca s'est passé par vote. Il y avait tous les associés de Saint-Germain d'un coté et du Paris FC de l'autre. Le club était alors divisé en deux et a gardé sa dénomination Paris Saint Germain à quelques voix près. Moi de toute façon je devais partir, mon contrat prenait fin, je partais pour Bordeaux, et c'est Louis Hon qui m'a remplacé à la tête de l'équipe en première division ( avec le désormais nouveau Paris FC, mais c'est Robert Vicot qui l'a remplacé avec le nouveau Paris SG en Division 3 ) Ça m'a fait un peu mal au cœur oui, surtout pour Saint-Germain. C'est dommage que l'image ait été un peu ternie ».
« Pour eux, le PSG de 1970 ne compte pas »
PSG70 : Vous avez été entraîneur de la première équipe de l'histoire du PSG. Quel était alors l'engouement autour du club ?
P.P : « Il y avait des supporters, enfin plutôt ce que l'on appelait des associés répartis dans des sortes d'associations. Paris était divisé en plusieurs secteurs avec un président de secteur qui motivait des gens pour venir nous soutenir le week end et organiser des bus pour les déplacements. Ça n'avait rien à voir avec aujourd'hui, ils étaient une petite centaine, mais nous avions de bonnes relations avec eux. Je me souviens que nous organisions des réunions toutes les 3 semaines entre les associés et les joueurs, à chaque fois dans un lieu différent selon les secteurs. Les associés voulaient voir les joueurs de prêt ».
PSG70 : Pensez-vous que votre PSG de l'époque, celui d'avant Canal+ est valorisé aujourd'hui par le club et par les médias ?
P.P : « Non, pour eux, le PSG de 1970 ne compte pas, il a commencé en 1973. Bon, ça a été rectifié mais pendant longtemps, on nous disait que le PSG avait été crée en 1973, lors de la remontée. Je peux vous dire que les supporters de Saint Germain n'étaient pas très contents de cette date. Je n'ai pas contacté le club et les journalistes car j'ai ma conscience pour moi, je sais le travail que j'ai effectué avec ce club en deuxième division puis en division 1, mais c'est dommage qu'on ait tendance à oublier de parler de cette époque là ».
PSG70 : Que vous inspire l'évolution du football ? Le comportement des joueurs, l'argent… ?
P.P : « Ça a beaucoup changé. Aujourd'hui les joueurs ont un contrat que bien souvent ils ne respectent pas. Ils signent 3 ans mais veulent quitter le club au bout d'un an. Vous savez, lorsque le Paris Saint Germain est monté les joueurs n'avaient pas d'agents. Aujourd'hui, même en Ligue 2, voir aussi en National, tous les joueurs ont un agent. Mais les agents eux, ils veulent que le joueur bouge le plus possible car ils passent à la caisse sur le transfert. C'est pour ça qu'il y a autant de mouvements de nos jours. Et les clubs aussi préfèrent vendre le joueur avant sa fin de contrat pour percevoir un transfert plutôt que de le laisser libre ».
PSG70 : Pensiez-vous à l'époque que le PSG pouvait devenir ce qu'il est aujourd'hui ?
P.P : « Non, vous savez, à l'époque il y avait tout à faire. Ce qui est regrettable aujourd'hui, c'est de voir les bagarres entre supporters. Nous n'avions aucuns problèmes de ce côté là à l'époque. Evidement ils étaient beaucoup moins, mais quand même. Maintenant, il y a même certains supporters qui se battent entre eux, comme ce qui s'était passé à Nantes, sur une aire de repos, avec des bagarres entre supporters d'Auteuil et de Boulogne. C'est néfaste pour l'image du Paris Saint Germain. En Angleterre il y a 5 clubs à Londres, à Paris, il n'y en a qu'un. Il devrait donc représenter aux mieux l'image de la capitale. Ça m'arrive d'aller les voir jouer de temps en temps. J'ai des petits enfants de 9-10 ans, mais je ne les emmène pas. J'y vais avec mon gendre, on ne sait jamais, il vaut mieux y aller entre adultes ».
PSG70 : Suivez-vous toujours attentivement les résultats du club ? Plus qu'un autre ?
P.P : « J'ai entraîné le PSG et Bordeaux, mais aujourd'hui, je regarde davantage les résultats du PSG, c'est mon club. Mais je regrette que le club en soit arrivé là. Cette, je n'ai pas souvent été au Parc. Le jeu n'a pas été très reluisant, à part peut-être les derniers mois ».
PSG70 : Vous avez connu une dizaine de clubs dans toute votre carrière. C'était assez rare à l'époque.
P.P : « J'ai débuté à 11 ans au Racing, c'était mon premier maillot. J'y suis resté jusqu'à 21 ans, et j'ai même joué un match de première division avec le Racing, c'était contre Strasbourg. J'ai ensuite été prêté au Stade Français, puis à Grenoble. A chaque fois, le club voulait me garder, mais le Racing demandait une indemnité trop élevée. Au bout de la deuxième fois, je suis allé voir les dirigeants pour leur dire qu'ils devaient me laisser partir en transfert définitif. Je suis alors parti à Rouen en deuxième division. Nous sommes montés, puis je suis parti à Angoulême, durant trois ans. Là-bas, nous avons été deux ans éliminés de la Coupe de France à la pièce. La première année (1966/67) nous avons fait trois matches nuls en demi-finale contre Lyon, à Limoges, 3-3, à Saint-Étienne, 1-1 et à Marseille, 1-1. Nous avons perdu à la pièce, c'est Di Nallo qui l'a emporté au tirage au sort. Et Lyon bat Sochaux en finale de la Coupe de France cette saison là. La saison suivante (1967/68), nous avons perdu contre Saint-Étienne au deuxième match cette fois-ci. Nous avions fait 1-1 au premier match et perdu 2-1 à Bordeaux. Et c'est Saint-Etienne qui gagne la coupe contre Bordeaux. Et la troisième saison (1968/69), c'était en matches aller retours. Nous avons perdu contre l'OM en huitième de finale. Nous faisons 3-3 à Angoulême mais nous allons perdre 2-0 au Stade Vélodrome. Et l'OM gagne la Coupe en finale. Si bien que je n'ai jamais joué une finale de Coupe de France. Après le Paris Saint Germain, je suis allé entraîner Bordeaux, mais c'était le petit Bordeaux, nous ne jouions pas les premiers rôles. J'ai d'ailleurs entraîné Giresse, qui débutait et qui était encore militaire. Puis je suis allé à Cambrai, à Tours en Division 2, à Reims et enfin à Châlons sur Marne. Depuis 1992, je suis à la Ligue de Champagne Ardennes, je donne un coup de main pour passer les diplômes d'entraîneur au CREPS de Reims ».
Propos recueillis et retranscrits par Maxime Pousset pour PSG70. Merci à Monsieur Phelipon et à Mathias pour la mise en relation.