Roland Mitoraj  : «  On nous invitait partout. C'est ça le grand danger à Paris »

 

Grand footballeur des années 70 et de l'épopée stéphanoise, Roland Mitoraj débarque contre toute attente au PSG en 1970 pour la première saison du club. Défenseur central expérimenté, il contribuera largement au succès du club parisien et à sa montée parmi l'élite. Aujourd'hui retraité en Auvergne, il se souvient de ses deux années parisiennes, même si son cœur reste vert.

 

PSG70 : Roland Mitoraj, en 1970 vous êtes au top de votre carrière en première division à Saint Etienne. Mais vous décidez de rejoindre le tout nouveau Paris Saint Germain en D2 avec d'autres joueurs internationaux comme Jean Djorkaeff ou Jean-Claude Bras ? Pourquoi un tel choix ? C'est plutôt curieux ?

Roland Mitoraj : « Curieux, oui et non. En 1970 c'était le début des contrats à temps, c'est à dire qu'on pouvait enfin signer un contrat pour une durée déterminée. Mais on ne pouvait changer de club qu'à 30 ans, ce qui était mon cas. J'avais des relations tendues avec Monsieur Rocher à Saint-Étienne qui voulait renouveler mon contrat, pour 2, 3 ans avec la possibilité de travailler au club par la suite. Enfin bref, toujours est-il que nous ne nous sommes pas entendus et que j'ai décidé de partir. Le challenge au Paris Saint Germain m'a été proposé par Jean-Claude Bras et m'intéressait beaucoup. Le club venait de naître et allait débuter en deuxième division. Les dirigeants cherchaient des joueurs professionnels pour encadrer de bons joueurs amateurs comme Prost et Guignedoux que je connaissais un peu déjà. J'avais bien une piste à Lyon en D1 mais pas de façon sérieuse. Je n'ai pas cherché plus loin et j'ai signé au PSG tout de suite. Tout s'est fait très rapidement, j'ai eu le contact avec les dirigeants et j'ai signé 15 jours après. »

Bras, Mitoraj, Djorkaeff, Destrumelle et Guignedoux : 5 professionnels venus aider le tout nouveau Paris Saint Germain.

PSG70 : Avec cette armada de grands joueurs le PSG parvient dès sa première saison à décrocher le titre de champion et se hisser en première division. Quel souvenir gardez vous de cette saison là ?

R.M : « De très très bons souvenirs pour une très très belle saison. En D2, nous partions un peu dans l'inconnu avec des gars venus de tout horizon. Mais la mayonnaise a pris toute de suite. On avait un bon entraîneur, Pierre Phelipon « Filoch », comme on l'appelait qui était à peu prêt de nos âges, ou a peine plus âgé. Il y avait un bel effectif avec 5 ou 6 joueurs pros, le reste c'était des amateurs. On a terminé champion de la poule Centre, car à l'époque il y avait trois poules Nord, Centre et Sud. Le niveau était assez bon tout de même avec des matchs très relevés, comme celui de l'accession en D1, contre Rouen (NRLR : victoire 3-1). La saison suivante a été totalement différente. En D1, le niveau était beaucoup plus élevé. Malgré l'arrivée de 4, 5 joueurs comme Leonetti ou Léandri, ça a été difficile. D'autant qu'Horlaville père, Daniel de son prénom l'un de nos meilleurs joueurs était blessé au genou, et n'était pas a 100%. On a beaucoup souffert, mais on a tout de même sauvé les meubles en terminant 16ème. J'ai quitté le PSG en fin de saison car je n'avais qu'un contrat de deux ans, et il prenait fin. Pierre Phelipon avait rejoint Bordeaux et m'avait prévenu qu'il cherchait quelqu'un dans l'axe en défense centrale. Ma fille venait d'entrer à la Fac, c'était donc l'opportunité. »

 

PSG70 : Sentiez-vous un réel engouement du public parisien, privé de football de haut niveau depuis plusieurs années ?

R.M : « Oui, il y avait un engouement certain. Mais nous n'avions pas d'installations, nous jouions au Stade Jean Bouin à côté du Parc des Princes. Je n'ai d'ailleurs jamais joué au Parc avec le PSG. A Jean Bouin, les installations n'étaient pas terribles, tout comme le terrain. Mais nous avions un bon petit public. Ca a démarré doucement, car il y avait une grande incertitude autour de ce nouveau club. Mais au fur et à mesure de la saison, le nombre de spectateurs a augmenté. En ville aussi il y avait pas mal d'engouement. Je dis en ville en parlant de Paris car nous vivions tous à Saint-Germain. Les gens s'intéressaient, se posaient des questions, si bien que lorsque nous sortions a Paris faire les courses, les gens nous reconnaissaient. Nous étions d'ailleurs très sollicités, on nous invitait partout. C'est ça le grand danger à Paris (rires), car si on accepte tout on s'entraîne plus. On avait fixé une limite et mis les « olas » pour ne pas s'éparpiller. »

 

PSG-Red Star : Derby de la 10ème journée du championnat de D1 1971/72 au Stade Jean Bouin. Mitoraj, Rostagni, Solas et Léandri tentent de s'emparer du ballon.

PSG70 : Et dans les médias, sentiez vous une pression particulière à l'encontre de ce nouveau PSG ?

R.M : « Oui, les médias aussi se posaient mal de questions sur cette équipe faite de joueurs venus de tout horizon. Un journaliste, un dénommé Tony Arbona (NDLR : correspondant de l'Equipe) nous cassait du bois, il était assez virulent avec nous, cherchant la petite bête. Mais ça faisait partie du jeu. Pour ma part, cela ne me touchait pas trop, j'avais 30 ans et j'avais connu bien pire à Saint-Étienne, notamment lorsque nous sommes descendu en D2 en 1962. Même si après nous sommes remonté pour gagner 4 titres d'affiler dont deux doublés, ça a été très difficile. »

 

PSG70 : De toutes les personnes que vous avez côtoyé au PSG, lequel vous a le plus impressionné ? Que ce soit sportivement ou humainement ?

R.M : « J'avais de bonnes attaches avec Jean Djorkaeff qui était au dessus du lot. Il y avait aussi Jean-Claude Bras qui bougeait beaucoup devant et qui était en pleine bourre. Humainement, ce sont les dirigeants messieurs Patrelle et Crescent qui m'ont marqué. Deux hommes remarquables. »

PSG70 : Suivez-vous encore aujourd'hui attentivement les résultats du PSG ? Qu'en pensez-vous ?

R.M : « Oui bien sur, je suis toujours le football. Pour le PSG, c'est difficile déjà au départ. Il y a toujours une obligation de résultat, on ne laisse pas travailler les gens en place. Et puis le club change souvent de joueurs. Aujourd'hui le PSG a un bel effectif, c'est étonnant qu'il n'y ait pas de meilleurs résultats. Mais au PSG c'est très difficile, il faut le savoir. »

 

PSG70 : Vous arrêtez votre carrière en 1974 après deux saisons à Bordeaux ? Qu'avez-vous fait ensuite ?

R.M. : « Après Bordeaux, je suis allé à Aix en Provence en 1974 en tant qu'entraîneur joueur. C'est Georges Carnus qui m'a téléphoné. Il arrêtait lui aussi sa carrière à l'OM et voulait que je vienne avec lui. Malheureusement il n'a jamais pu joué à Aix, il a eu un terrible accident de voiture avec sa famille cette année là. Pour ma part, je suis resté 2 ans en Division 3 à Aix. Nous avons fini deux fois deuxième, a chaque fois coiffé au poteau par Arles puis Montpellier la Paillade de Fleury Ni Nallo. J'ai ensuite décidé de quitter le Midi qui est un endroit assez spécial, assez superficiel. Nous étions trop près de Marseille. Alors que nous jouions les premiers rôles en D3, donc pour l'accession en D2, nous n'avions que 300 spectateurs tout au plus chaque week end. Tout le monde allait à Marseille voir jouer l'OM. En 1976 j'ai rejoint la société Adidas. Je vendais les marques « Le Coq Sportif » et « Arena » qui dépendent d'Adidas. J'étais commercial, comme beaucoup d'anciens footeux (rires). J'y suis resté 14 ans, en tant que commercial dans la région Centre, ce qui m'a permis de revenir chez moi. En 1990 j'ai quitté Adidas pour revenir à l'AS Saint-Étienne. J'ai d'abord été en charge des -17 ans, puis comme dans les clubs de D1 rien n'est jamais stable, j'ai occupé un poste différent chaque saison. J'ai donc été successivement adjoint de Christian Sarramagna en D1, entraîneur de la réserve en D3 et enfin de retour avec les -17 ans. En 1997 le club était à la rue, tant financièrement que sportivement et pouvait exploser d'un moment à l'autre. Ils ont voulu faire le ménage, et j'ai été de ceux qui en ont fait les frais. J'ai quitté le club avec la ferme intention de tout arrêter, mais un ami m'a contacté pour que je revienne dans le monde du football. J'en avais très envie au fond de moi, donc j'ai accepté. Je suis revenu en DH, dans le petit club de Saint-Julien Chapteuil à côté de chez moi, près du Puy pour deux ou trois ans en tant qu'entraîneur. J'ai tout arrêté en 2002/03. Depuis, je ne fais plus rien, je vais aux champignons (rires). Je suis retraité à Vorey prêt du Puy en Auvergne. Mais je vais chaque week end à Geoffroy Guichard voir les Verts. Je suis resté un très grand supporter, et j'ai de très bonnes relations avec les présidents Romeyer et Caiazzo. J'ai joué 12 ans à Saint-Étienne contre deux ans à Paris et Bordeaux. Inutile donc de vous dire quel club reste dans mon cœur. Encore qu'au PSG, j'ai passé de bonnes saisons, mais à Bordeaux, nous jouions le maintien, le club était dans le creux de la vague, c'était les débuts de Giresse notamment. »

 

PSG70 : Et enfin Roland Mitoraj, rechaussez vous encore les crampons de temps à autre ?

R.M. : « Non, et même si j'aimerais bien jouer avec le club des anciens Verts dirigé par Bereta, c'est impossible. J'ai été opéré 6 fois du même genou, et des opérations très sérieuses. Bon bien sur je m'amuse à taper dans la balle, comme ça, à 10 mètres des buts, mais j'évite de courir au risque de ne plus pouvoir marcher le lendemain… »

 

Propos recueillis et retranscrits par Maxime Pousset pour PSG70.free.fr. Merci à Roland Mitoraj pour sa disponibilité.

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