Armando Bianchi : « Paris était une équipe à part »
Au PSG, il y avait deux Bianchi. La star, Carlos, l'attaquant ultra prolifique, international argentin et puis l'autre, Armando, fils d'immigré italien arrivé en 1978 de Rouen dans le quasi-anonymat. Il reste deux saisons dans la capitale puis se blesse et revient à Paris, mais dans l'autre club, le rival du Paris FC qui fusionnera avec le Racing. Aujourd'hui encore, l'amalgame entre les deux Bianchi est très courant dans les esprits, mais l'intéressé actuellement responsable technique du club de Roanne préfère en jouer. C'est avec gentillesse et nostalgie qu'il accepte de se confier à PSG70.
PSG70 : Armando Bianchi, est-ce que le fait de porter le deuxième prénom de Diego Armando Maradona et le nom du grand Carlos Bianchi n'a pas été trop dur pour vous ?
Armando Bianchi : "Non, enfin on nous a même pris pour des frères à un moment donné. Il était plus connu que moi, même quand je marquais on croyait que c'était lui ( rires ). Carlos est un garçon remarquable, même maintenant, il a les pieds sur terre. Il était venu à mon jubilé à Roanne. C'était une fête toute simple, et il est venu, avec Dahleb, Bathenay, Pilorget, Baratelli, Renaut, Huck, enfin toute cette bande est venue, mais bon, Carlos ne m'a jamais fait d'ombre, même si on disait toujours pour moi : « c'est pas Carlos, c'est l'autre », on ne connaissais pas mon prénom".
PSG70 : Pouvez-vous nous parler du parcours par lequel vous êtes arrivé au PSG en 1978 ?
A.B : "C'était très simple, à l'époque, j'étais au FC Rouen, depuis l'age de 10 ans, on était en Division 2, et on est monté en première division à l'issue de la saison 1977/78, puis on est redescendu en deuxième division. Le PSG s'intéressait à moi depuis pas mal de temps, tout comme Monaco, Lyon ou Nantes. J'ai toujours connu Rouen, jusqu'à 24 ans. J'ai choisi Paris d'un commun accord avec Rouen, parce que Monsieur Borelli s'était montré plus pressant que les autres. Et puis le PSG attirait de bons joueurs comme Dahleb ou Carlos Bianchi, et même Bathenay".
PSG70 : Quel type de joueur étiez-vous ?
A.B : "J'étais un peu catalogué comme un joueur offensif et technique. Oui, j'avais une technique estimée au dessus de la moyenne à l'époque. Je jouais milieu offensif. C'est toujours délicat de donner ses qualités, mais je peux dire que je marquais beaucoup de buts, entre 10 et 15 en une saison en division 2. J'étais adroit devant le but, mais j'avais aussi des qualités de passeur. A priori, j'avais une bonne réputation. J'était aussi peut être catalogué comme un joueur un peu physiquement fragile puisque de nombreuses blessures m'ont handicapés durant ma carrière".
PSG70 : Etablissez-vous une hiérarchie parmi les clubs qui vous ont le plus marqué, que ce soit Paris, Rouen ou Nîmes ?
A.B : "Et bien Rouen m'a marqué dans la mesure ou j'y ai passé 14 ans, de ma formation en jeunes aux années pros. Dans la hiérarchie, Paris reste un club à part, parce que c'est le PSG, c'est le grand club. Après je mettrais le Racing, car j'ai connu celui de Lagardère, le Racing Paris 1 né de la fusion avec le Paris FC et nous sommes montés en 1984 devenant par la suite le Racing Club de France. Je mets donc Rouen en premier puis le Racing et le PSG sur la même ligne et Nîmes et Grenoble un peu en retrait".
"J'ai été italien jusqu'à 24 ans"
PSG70 : Quel est le meilleur souvenir de votre carrière ?
A.B : "J'en ai pas mal compte tenu des années avec le FC Rouen. L'année de la remontée en D1, en 1977. Le club avait un glorieux passé, dans les années 50 et 60, après la guerre puis on a galéré avant de monter en D1. On a fini deuxième et on est monté à l'issue du match de barrage. Je me souviens aussi, la même année d'un match contre les verts, en 8 ème de finale de la Coupe de France. Au Stade Robert Diochon à Rouen, c'était après la finale de l'AS Saint-Etienne à Glasgow. Cette saison est à marquer d'une croix dans ma carrière. J'avais marqué 15 buts en D2. Après, à Paris, la première année à été excellente, mais la deuxième un peu moins puisque je me suis blessé, j'ai eu une hernie discale et un arrêt de 5 mois".
PSG70 : Et votre plus grand regret ?
A.B : "Mon plus grand regret, c'était avec le Racing, je me suis blessé, c'était en novembre 1983, j'avais 29 ans, j'étais capitaine et je me suis mis le genou en l'air, ce qui a pratiquement condamné ma carrière. J'étais en pleine possession de mes moyens et avec cette entorse des ligaments croisés ça a tout cassé. J'étais en fin de contrat et j'ai du partir pour Grenoble. Je pense que sans cette blessure, j'aurais eu encore 4 ou 5 ans devant moi".
PSG70 : Regrettez vous de ne jamais avoir été sélectionné, ni avec la France, ni avec l'Italie ?
A.B : "L'Italie c'était délicat puisque je n'ai été italien que jusqu'à 24 ans, je suis devenu français à mon arrivée au PSG justement. A l'époque, les clubs n'avaient la possibilité d'engager que deux joueurs étrangers, même européens. Il y avait déjà Carlos Bianchi et un autre étranger (l'argentin Ramon Heredia). Ils m'ont donc demandé de me naturaliser. Cette question ne s'était jamais posée avec mes parents. Je suis arrivé en France à l'âge de 5 ans. C'était inenvisageable de pouvoir porter le maillot italien puisque je n'étais pas connu là-bas. Avec la France , c'était difficile aussi, lorsqu'on devient français à 24 ans et que l'on n'a pas fait le cursus habituel entre les juniors et les espoirs. C'est difficile quoi. J'avais déjà tiré une croix dessus, mais je pense que si j'avais été naturalisé plus jeune, j'aurais pu je pense être sélectionné en équipe de France. Après, peut être que si j'étais parti plus jeune de Rouen j'aurai pu me faire repérer, mais bon, à l'époque, il n'y avais pas d'impresarios, pas d'agent, il fallait se débrouiller tout seul. Ce n'était pas comme aujourd'hui, le football est complètement différent. Même si nous étions professionnels, il n'y avait pas trop de médias, enfin pas de télévision".
PSG70 : Oui justement, quel regard portez-vous sur l'évolution du métier de footballeur ?
A.B : "Je pense que l'image est différente de ce qu'était le football à l'époque. Aujourd'hui, j'assimile les footballeurs à des artistes. L'évolution financière a été fulgurante. J'ai connu le début de cette époque, en 1982-83 notamment lorsque ça a commencé à exploser avec Luis Fernandez au Matra Racing. J'étais en fin de carrière, et à l'époque, les professionnels les mieux payés touchaient 20 000 balles par mois. Aujourd'hui, même le joueur moyen de Ligue 2 gagne plus (rires). Mais l'évolution financière concorde aussi avec une évolution du rythme, de la qualité et de l'aspect physique et athlétique. Aujourd'hui tout va dix fois plus vite, mais je pense que techniquement, il y avait aussi à l'époque des joueurs du niveau d'aujourd'hui. A mon avis, tout ça est allé trop loin. Lorsqu'on a connu le monde du sport professionnel, on est déconnecté du monde du travail d'aujourd'hui dans lequel 90% des gens rament. Lorsqu'on voit ça, on marche sur la tête".
PSG70 : Dans l'album Panini 78/79, la quasi-totalité des joueurs de l'effectif parisien, dont vous, avez ostensiblement les bras croisés de manière à rendre illisible le nom de votre sponsor (RTL). Pourquoi ? Y avait-il un boycott ?
A.B : "Non (rires), je n'ai pas le souvenir d'un quelconque boycott, non je ne crois pas que l'on ait eu l'ordre de cacher le sponsor, enfin j'en ai pas le souvenir, mais c'est vrai que c'est étrange. C'était peut-être la mode à l'époque de croiser les bras (rires)".
PSG70 : De tous les entraîneurs que vous avez connu au PSG (Larqué, Vasovic, Alonzo, Choquier, Peyroche), avec lequel aviez-vous le plus d'affinités ?
A.B : "Vasovic m'a marqué quand même. Il respectait très bien les joueurs. Pour Peyroche, je ne peux pas vraiment dire car j'étais blessé. Choquier n'est pas resté longtemps et Alonzo a été entraîneur pour dépanner. Pour Jean-Michel Larqué, il n'est pas resté longtemps non plus, il a vite vu que son caractère n'était pas compatible avec ce métier. Mais moi, l'homme qui m'a le plus marqué au Paris Saint Germain reste Francis Borelli, un homme remarquable, très près de ses joueurs, qui a un respect pour les individus. C'est quelqu'un de très bien".
PSG70 : Au PSG on évoque souvent la pression des médias. L'avez-vous ressenti à votre époque ?
A.B : "Oui, ça existait déjà à l'époque, les médias étaient constamment présents aux entraînements. Je prends mon exemple personnel : les médias se sont toujours demandés ce que je faisais dans cette équipe, car je n'étais pas international. Je devais être le seul. Il y avait les Adams, Tokoto, Lokoli, Bianchi…tous étaient internationaux. Nous tournions aux alentours de la 7 ème , 8 ème place, on était capable de battre tout le monde mais nous n'étions pas réguliers. On attendait beaucoup plus de nous. La première année nous avons connus trois entraîneurs, et 5 en deux ans, donc déjà à l'époque, Paris était déjà ce qu'il est aujourd'hui, une équipe à part".
PSG70 : Comment expliquez vous justement que de bons joueurs deviennent « mauvais » après leur passage au PSG ?
A.B : "Est ce que la mayonnaise prend ? Ils sont bons joueurs dans un certain contexte, dans une équipe qui évolue d'une certaine manière, et puis ils sont parachutés à Paris dans une pression plus intense et ils se trouvent moins libre sur le terrain, moins en confiance. Mais après tout, sont-ils réellement bons ? Aujourd'hui, il y a de bons joueurs au PSG mais je ne les trouve globalement pas meilleurs que ceux de Troyes ou de Lille par exemple".
PSG70 : Sur quelles forces le PSG doit il s'appuyer selon vous pour se redresser et ne pas sombrer ?
A.B : "Je trouve ça très compliqué. J'ai vu joué les autres équipes comme Sedan, comme Troyes ou Valenciennes, ce sont des équipes qui ont plus l'état d'esprit pour s'en sortir. Bon, pas Nantes, car je les vois plonger aussi, comme le PSG. Ce n'est pas que la qualité de jeu qui compte à ce niveau là. Le Guen est calme, posé, il faut qu'il remonte la pente, mais je pense que ça sera très compliqué. L'idéal serait de faire abstraction de tout, qu'il n'y ait pas de radio, pas de presse, que les joueurs soient presque enfermés. C'est plus facile de se concentrer à Valenciennes qu'à Paris, car c'est plus petit et la pression est moindre. C'est dommage, car Paris est une équipe que je supporte, mais il faut dire qu'ils n'ont pas de réussite non plus, ça va être dur. Le calendrier est difficile. Au pire, s'ils vont en Ligue 2, ce n'est pas un drame. D'autres l'ont fait avant. Regardez la Juve. Après , il faudra être costaud au niveau des dirigeants, ce dont je ne suis pas certain".
PSG70 : Armando Bianchi, que devenez-vous ?
A.B : "J'ai arrêté ma carrière à 31 ans, à Grenoble en 1985 à cause de ma blessure au genou. En tout, j'ai du faire une centaine de matchs en division 1 et au moins 400 en deuxième division en 13 ans de carrière. Après, je suis allé à Roanne pour me reconvertir un petit peu, mais ça a été un peu compliqué. Je suis éducateur, depuis 1985, je gère un peu les clubs qui jouent au foot ici. J'ai repris le club de Roanne, je suis permanant au club, responsable technique. Nous jouons au niveau ligue, en dessous de la DH , aux portes du championnat de France amateur. Avant, j'ai été commercial ou agent d'assurance, mais ça n'a pas été simple. Après, le foot, c'est compliqué, avec un salaire très moyen. Mais bon, je suis dans ma passion du foot, avec les jeunes, l'équipe première. Je suis là depuis 22 ans".
PSG70 : Quels sont vos projets pour l'avenir ?
A.B : "Mes projets sont ici, au niveau de l'agglomération dans le regroupement de clubs pour monter une équipe qui pourrait s'imposer et accéder dans 2 ou 3 ans au niveau national. J'ai aujourd'hui 52 ans donc pas énormément d'autres projets. Le premier projet c'est la santé de ma famille. Après, avec Roanne, c'est un challenge intéressant. J'avais tenté de passer mes diplômes d'entraîneur en 1985. Au départ, j'étais entraîneur adjoint et nous sommes monté en Division 3 mais nous ne sommes pas restés, faute de moyens. Et puis je n'ai pas voulu poursuivre le processus, je n'avais pas le temps pour me lancer là dedans à l'époque car je voulais me recycler professionnellement. Il fallait redéménager, repartir, avec les enfants ce n'était pas facile".
Propos recueillis par Maxime Pousset pour PSG70.free.fr. Merci aux membres du forum Foot Nostalgie pour leurs questions ainsi qu'à Armando Bianchi pour sa grande disponibilité et sa gentillesse.